Le cadavre, un business à risque au Bénin

21/11/2017

Le cadavre, un business à risque au Bénin

Dans cette chambre sont stockés les cadavres de personnes décédées attendant leur inhumation. Un bâtiment banal, érigé au milieu d’autres habitations dans la ville de Bohicon. Nous sommes dans le sud-Bénin, le siège des morgues traditionnelles, à une centaine de kilomètres au nord de Cotonou.

Embaumeurs en activité dans la morgue traditionnelle d'Avogbana au Bénin.

Ces morgues informelles, officiellement estimées à une quarantaine, selon l’ONG Bénin Diaspora Assistance, sont incontournables dans la gestion de la fin de vie au Bénin. Elles fonctionnent sans énergie électrique et ne disposent pas de chambres froides. Les cadavres y sont souvent entreposés à même le sol.

« Un business dangereux pour la santé publique et l’environnement », fustige François Kossouoh, ancien directeur départemental de la santé du Zou-Collines.

Une activité hors norme

« Les promoteurs de ces morgues ne respectent aucune règle d’hygiène », déplore Médard Koudébi, spécialiste de l’hygiène funéraire. Dans une interview qu’il nous a accordée à Cotonou le mois d’août dernier il affirme que ces morgues déciment la population :  »Elles sont illégales et ceux qui y travaillent manipulent les cadavres sans protection. Elles constituent un danger pour la communauté toute entière ».

Le directeur adjoint de l’Agence Béninoise pour l’Environnement (ABE)  Ismaël Wotto confirme le caractère informel de ces morgues :  »Avant d’exercer ce métier, ces promoteurs devraient avoir une autorisation du ministère de l’intérieur laquelle est subordonnée à l’obtention d’un certificat de conformité environnementale délivré par l’agence et un agrément du ministère de la santé. Malheureusement aucune de ces morgues ne détient ces pièces administratives ».

Un nid d’infections virales

Des embaumeurs évacuant les déchets liquides issus des cadavres dans une fosse sceptique.

Le contact des vivants avec les cadavres de leurs parents les expose à diverses infections virales.

A en croire Joseph Deh- Tchokpon, bio-technologiste médical :  »On peut facilement s’infecter en touchant les cadavres surtout avec l’épidémie de la fièvre hémorragique à virus Ebola ou à virus Lassa ». Il prévient que  »les cadavres renferment un ensemble de virus qui se retrouvent dans le sang, les selles, les urines, les salives, les crachats et les sécrétions vaginales des personnes décédées ».

Malgré les preuves de risques d’infection élevés dans ces entreprises funéraires, des embaumeurs affirment n’avoir jamais été contaminés. Toutefois, certains promoteurs reconnaissent avoir enregistré des cas de décès de leurs collaborateurs à cause de leur dépendance à l’égard de l’alcool. Une affirmation que nous n’avons pu vérifier; la fin de vie demeure un sujet sensible, un secret familial au Bénin.

Une filière funeste

Les morgues traditionnelles sont apparues pour la première fois en 2002 à Bohicon dans le département du Zou. Elles sont concentrées dans les localités non musulmanes, se développent grâce à la pauvreté des familles éplorées et à cause de la mauvaise répartition géographique des morgues publiques dites modernes. Aujourd’hui, moins d’une dizaine de ces morgues pour la plupart défectueuses sont logées dans des centres hospitaliers urbains pour une population d’environ 10 millions d’habitants.

Conséquences : plusieurs personnes (des commerçants, des artisans, des bouchers et même des fonctionnaires du service public de la santé) ont investi le secteur des pompes funèbres ces cinq dernières années au mépris des règles d’hygiène sanitaire. La conservation des cadavres dans les morgues traditionnelles est une nouvelle filière porteuse mais à risque . Elle participe des obsèques ruineuses, un autre phénomène de société qui fait l’actualité au Bénin.

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